Astronomie au fil du temps
L’histoire de l’Observatoire de Paris se superpose facilement à l’histoire de l‘astronomie. La frise chronologique pose quelques jalons essentiels ou quelques anecdotes curieuses, retraçant l’activité riche et continue des astronomes français et aussi la diversité de cette discipline scientifique.
L’astronomie au fil du temps
Le passage de Vénus devant le Soleil de 1769
Si le rayon de la Terre et la distance Terre-Lune ont pu être calculés dès l’Antiquité par des méthodes géométriques, il n’en est pas de même pour la distance Terre-Soleil. Cette distance permet, à l’aide de la troisième loi de Kepler, d’avoir accès à l’ensemble des distances planétaires du système solaire, ainsi qu’à la mesure de l’Univers grâce aux parallaxes stellaires.
Vénus et la distance Terre-Soleil
En 1677, l’astronome Edmond Halley après une observation d’un passage de Mercure devant le Soleil imagina une méthode pour déterminer la parallaxe du Soleil, donc la distance Terre-Soleil à l’aide des passages de Vénus devant le Soleil. Pour cela on devait mesurer, en des lieux situés à des latitudes différentes les durées du passage de la planète devant le Soleil.
Les passages de Vénus devant le Soleil sont des phénomènes rares, ils se produisent en suivant le cycle de 8 ans, 121,5 ans, 8 ans et 105,5 ans. Un premier passage avait été observé en 1639, les deux suivants devaient se produire en 1761 et en 1769. Le passage de 1761 donna lieu à une grande campagne d’observations internationales en pleine guerre de Sept Ans. L’expérience acquise lors de ces observations permit d’améliorer les méthodes d’observation pour le passage de 1769.
Le Gentil, Chappe, Pingré
En 1769, la France organisa trois expéditions. L’astronome Le Gentil de La Galaisière, après un premier échec en 1761 au large de l’Inde, était resté sur place et se rendit à Pondichéry mais il ne put observer le passage, car un nuage fatal le priva de l’observation.
L’abbé Chappe d’Auteroche, avec une équipe d’observateurs, se rendit en Basse-Californie où il put observer le passage, mais restée sur place pour observer une éclipse de Lune afin de calculer la longitude de son lieu d’observation la quasi-totalité de l’équipe fut décimée par une épidémie de typhus.
La troisième expédition fut une expédition maritime, où l’on testa également les premiers chronomètres de marine, l’abbé Pingré et le Comte de Fleurieu observèrent le passage depuis le Cap François à Saint-Domingue.
La caméra électronique André Lallemand
Historique
Le principe de cette caméra a été présenté pour la première fois à la séance de l’Académie des Sciences du 20 juillet 1936 : dans une enceinte sous vide l’image astronomique est projetée sur la photo-cathode, les photons provoquent l’émission d’électrons qui forment une image électronique grâce à l’optique électronique, cette image est enregistrée sur une plaque photosensible. A un photo-électron correspond une trace formée de plusieurs grains d’argent ; le récepteur est donc linéaire et a une sensibilité de 30 à 40 fois supérieure à la plaque photographique.
photons et électrons
A. Lallemand et M. Duchesne développent cet instrument à l’Observatoire de Paris dans leur laboratoire installé au « petit coudé », les premières photos d’objets célestes avec la caméra électronique ont été obtenues au foyer de la lunette équatoriale.
En 1959 la caméra est installée au foyer du télescope de 3m05 de Lick et permet de mesurer pour la première fois, avec l’astronome américain M. Walker, la rotation du noyau de la galaxie d’Andromède.
- MM. André Lallemand et Roger Alexandre (verrier) du laboratoire de physique astronomique de l’Observatoire de Paris
Observatoire de Paris / J Counil
Au vue des performances de ce nouvel instrument et afin d’en assurer son développement un nouveau laboratoire est construit en 1960. C’est le laboratoire « André Lallemand », qui regroupe en dehors des bureaux et divers laboratoires de montage et d’expériences un atelier de mécanique et un atelier de verrerie.
Le laboratoire Lallemand
Gérard Wlérick associé à A. Lallemand et M. Duchesne transforme ce récepteur d’images en un véritable compteur de photons à deux dimensions : réduction drastique de la lumière parasite, mesure de la sensibilité locale des photo-cathodes et de l’émission parasite résiduelle, liaison avec les télescopes des Observatoires du Pic du Midi et de Haute Provence.
L’instrument est alors utilisé de façon régulière par les astronomes G.Wlérick, A.Bijaoui, G.Lelièvre aux observatoires du Pic du Midi, de Haute Provence, du CFH (télescope Canada,France,Hawai) et du Chili. Par ailleurs deux nouvelles générations de caméras sont développées à l’Observatoire de Paris à partir des années 65 une camera à vanne par P. Felenbok et une camera magnétique grand champ avec une photo-cathode de 90mm de diamètre par A. Lallemand, B. Servan et L. Renard.
L’exploitation régulière de ces caméras a nécessité la création en 1977 d’un laboratoire de fabrication des photocathodes dirigé par F.Gex. L’image astronomique étant projetée directement sur la couche photosensible l’homogénéité en sensibilité et la qualité de propreté de son support était fondamentale. Dans ce but ce nouveau laboratoire situé au 77 av. Denfert-Rochereau fut équipé dès l’origine d’une salle blanche à flux laminaire contrôlé.
Conditions d’observation
L’observation aux foyers des télescopes avec une caméra électronique était assez complexe si on la compare avec l’observation aujourd’hui avec les détecteurs modernes que sont les CCD. En effet la grande difficulté de cet instrument était de maintenir dans un même vide poussé la photo-cathode et les plaques photosensibles en gélatine. La photo-cathode était maintenue sous vide dans une enveloppe en verre intermédiaire et était libérée juste avant l’installation de la caméra au foyer du télescope.
Pour maintenir le vide dans l’enceinte de la caméra, l’optique électronique et le porte plaques étaient refroidis à l’air liquide, les réservoirs d’air liquide de type Dewar devaient être remplis en permanence pendant l’observation ce qui représentait une sorte de prouesse lorsque vous vous trouviez par exemple à plusieurs mètres de hauteur sur la passerelle du foyer Newton du 193 de l’OHP.
- Caméra électronique Lallemand-Duchesne au foyer Newton du télescope de 193 cm de l’O.H.P.
Photothèque OHP/CNRS
Après l’observation la caméra était démontée du télescope et transportée dans un laboratoire situé dans une salle annexe afin d’ouvrir la caméra et récupérer les plaques photos. L’ouverture de la caméra entrainant la mise à l’air de la photo-cathode celle-ci était détruite immédiatement et il était nécessaire de préparer une nouvelle caméra avec une nouvelle photo-cathode pour la prochaine observation.
La mise en exploitation d’une caméra nécessitait l’intervention de deux techniciens de jour relayés par deux autres techniciens la nuit ainsi que la rotation de trois tubes de caméras avec à chaque fois une nouvelle photo-cathode et de nouvelles plaques photosensibles
Les résultats scientifiques
Les résultats scientifiques les plus marquants sont :
la mesure du noyau de la galaxie d’Andromède (G.Walker)
la mesure de l’épaisseur des anneaux de Saturne et la démonstration que les quasars sont bien au centre des galaxies (G. Wlérick).
l’étude à haute résolution des jets de Messier 87 et 3C273 (G.Lelièvre, G.Wlérick)
Le revolver photographique de Jules Janssen
C’est en 1873 que Jules Janssen (1824-1907) présente à la Commission du Passage de Vénus [devant le Soleil] sa « méthode du revolver » qui doit enfin résoudre de manière objective et durable le difficile problème de la détermination du moment exact des contacts de la planète avec le disque solaire. C’est en effet de la précision des mesures du « temps de passage », effectuées en différents points du globe, que dépendra l’amélioration de la connaissance de la distance moyenne entre le centre du Soleil et celui de la Terre.
Enregistrement photographique automatique
Après la faillite des observations visuelles antérieures, il s’agit d’un système d’enregistrement automatique d’une série de 48 clichés successifs sur une plaque photographique annulaire, et de l’heure exacte de la première prise de vue.
L’instrument construit par Deschiens ne l’ayant pas satisfait, Janssen charge Redier père et fils de fabriquer un nouvel appareil où, tandis que le plateau qui porte le daguerréotype annulaire tourne de 1/48 de tour, puis s’arrête pendant la pose, le disque qui porte 12 fentes obturatrices radiales (régulièrement espacées et réglables en largeur) tourne d’un mouvement continu quatre fois plus rapide. Ainsi, quand la plaque photographique a effectué un tour complet (en 72 secondes), le disque « obturateur » en a fait quatre. C’est avec cet instrument que Janssen a pu faire des tests satisfaisants, et qu’il part en 1874 au Japon.
Le passage de Vénus de 1874
En Angleterre, dès qu’il avait eu connaissance du projet, « l’Astronome Royal » Airy avait fait fabriquer des appareils du même type, baptisés « Janssen », et dont toutes les expéditions britanniques étaient pourvues.
- Révolver photographique de Janssen : vue de l’appareil en fonctionnement pendant le passage de Vénus sur le soleil en 1874 - La Nature - vol. 3, 1875.
Même si les résultats obtenus par la photographie classique et par les quelque huit revolvers en action en 1874 furent décevants, Janssen (pour qui l’Observatoire d’Astronomie physique de Paris, sis à Meudon allait être créé l’année suivante), avait conçu et mis en œuvre le premier appareil de prise de vue cinématographique.
Léon Foucault à l’Observatoire
Léon Foucault (1819-1868) est sans aucun doute un des plus grands physiciens expérimentateurs qui ait jamais existé.
Il est devenu célèbre par son expérience du pendule qui montre la rotation de la Terre, expérience présentée pour la première fois à l’Observatoire en 1851 puis montée aussitôt au Panthéon et dans des centaines d’autres lieux.
Il fut engagé en 1855 à l’Observatoire comme « physicien », sur l’insistance de Napoléon III auprès du directeur, Le Verrier, qui n’en voulait pas ! Décision que Le Verrier n’a pas dû regretter, car Foucault a accompli une œuvre remarquable.
Il a créé le télescope moderne à miroir de verre argenté, lequel a très vite remplacé les anciens miroirs de bronze, peu réfléchissants et qui s’oxydaient facilement. Il a du même coup mis au point toutes les techniques de fabrication des miroirs de télescope, techniques qui sont encore utilisées aujourd’hui. Deux de ses télescopes ont longtemps servi à l’Observatoire, et le plus grand qu’il ait réalisé, de 80 cm de diamètre, a fonctionné pendant un siècle à Marseille.
En 1862, Foucault a fait dans la salle Cassini de l’Observatoire la première mesure précise de la vitesse de la lumière.
Arago et Biot aux Baléares : la prolongation de la mesure du méridien de Paris
Après la première mesure de l’arc de méridien compris entre Dunkerque et Barcelone le long du méridien de Paris entre 1792 et 1799 par Delambre et Méchain, ce dernier, non satisfait de cette première expédition, propose que le méridien mesuré soit réellement symétrique par rapport à la latitude moyenne de 45°. C’est pourquoi il y a nécessité à prolonger la mesure jusqu’aux Baléares (cela porterait la longueur de l’arc à 12°).
L’expédition est menée à son terme par deux autres hommes, entre 1806 et 1808, Jean-Baptiste Biot et le tout jeune François Arago. Le contexte est peu favorable avec les guerres napoléoniennes et le mouvement anti-français en Espagne qu’elles suscitent. Dix-sept triangles sont cependant levés d’une île à l’autre (Majorque, Minorque, Ibiza et Formentera).
- Prolongement de la mesure de la méridienne de France jusqu’aux îles Baléares, par MM. Biot et Arago.
- Œuvres complètes de François Arago. - Paris : Gide ; Leipzig : T. O. Weigel, 1854-1862.
Les opérations menées aux Baléares n’apporteront aucun changement à la définition du mètre qui était l’objectif de ces différentes missions menées le long du méridien de Paris. Le mètre avait été défini par la Convention Nationale en 1795 comme valant la quarante millionième partie du quart du méridien terrestre.
Cependant, elles vont davantage révéler un homme et un savant, François Arago. Son séjour dans les îles Baléares n’a rien à voir avec la langueur qu’évoque de nos jours ces lieux. Il relève plutôt des aventures romanesques d’un Jean Valjean ou d’un Edmond Dantès.
Déguisé en marin
Dès l’automne 1806, à Valence, Arago manque d’y laisser sa vie dans un guet-apens tendu par le fiancé d’une jeune fille avec qui il avait déjeuné la veille – dit-il. Après l’entrée de Napoléon en Espagne, les choses deviennent plus sérieuses.
Dès le 27 mai 1808, l’arrivée à Palma de Majorque d’un officier d’ordonnance de Napoléon provoque le soulèvement général de la population. Arago, avec ses signaux lumineux, est rapidement soupçonné de faire des signaux à l’armée française. Il échappe à la foule, venue le saisir, qu’après s’être déguisé en marin. Il n’est pas reconnu car il parle parfaitement le mayorquin. Finalement, les autorités décident de l’enfermer au château de Belver.
Sur le chemin du château, reconnu cette fois par la populace, il doit courir en toute hâte vers sa prison pour échapper au lynchage. Il s’en sort avec juste un coup de poignard reçu à la cuisse.
Il s’en évade alors le 28 juillet 1808 et s’embarque pour Alger le 3 août. Le 13 août 1808, à l’aide d’un faux passeport de marchand ambulant procuré par le consulat français, il part pour Marseille. Le 18 août 1808, ils sont arraisonnés par un corsaire espagnol au motif de violation du blocus des côtes de France. Amené devant un juge, celui-ci ne réussit pas à savoir qui il est ; tantôt il prend l’accent de Valence, tantôt celui d’Ibiza, tantôt il s’exprime en français.
Coup de mistral terrible
Ce n’est que le 28 novembre que le navire est autorisé à voguer de nouveau vers Marseille. Malheureusement, un coup de mistral terrible force le navire à se détourner vers Bougie (actuellement Béjaïa, située à 180 km à l’est d’Alger). Arago se résout alors à se rendre à pieds à Alger où il arrive le 25 décembre 1808.
Il y reste jusqu’au 21 juin 1809 lorsqu’il est finalement autorisé à s’embarquer pour Marseille contre le paiement par le consulat de la somme de trois cent mille francs réclamée par le dey d’Alger. Arrivé devant Marseille, cette fois-ci c’est une frégate anglaise qui vient leur barrer l’accès. Cependant le capitaine passe outre et réussit à entrer dans le port de l’île de Pomègues.
Il lui aura donc fallu près de 11 mois pour rallier Marseille depuis Alger ! Peu après, le 18 septembre 1809, Arago est nommé à l’Académie des Sciences à l’âge de 23 ans, en remplacement de Joseph Jérôme Lalande.
Charles Delaunay et l’interrègne de Le Verrier
Urbain Le Verrier, nommé directeur de l’Observatoire en 1854, est certainement un très grand scientifique et un bon administrateur, mais c’est un véritable dictateur difficile à supporter : en treize années de son règne, pas moins de 68 astronomes ont quitté l’Observatoire, soit révoqués soit par démission.
Finalement, excédés, tous les astronomes de l’Observatoire envoient au ministre leur démission collective.
Le Verrier réagit mal et est destitué, pour être remplacé le 3 mars 1870 par son ennemi juré, Charles Delaunay (1816-1872).
- Lettre d’Emile Segris, ministre de l’Instruction publique, relevant Le Verrier de ses fonctions - Paris, 5 février 1870 (Observatoire de Paris, Ms 1070-32)
Delaunay est un excellent astronome et est plein de bonne volonté, mais il a du mal à calmer ses troupes surexcitées, c’est la guerre. Il n’aura guère le temps de réorganiser l’Observatoire, car il se noie en rade de Cherbourg le 5 août 1872.
Personne ne tient à le remplacer, et Le Verrier, qui a assuré ses arrières auprès des instances politiques, est renommé à l’Observatoire l’année suivante, flanqué toutefois d’un conseil destiné à le surveiller. Son deuxième règne se passera mieux que le précédent, mais sera court car il mourra en 1877.
L’inspection des caves par les révolutionnaires
Dès le 16 juillet 1789, l’Observatoire est plongé dans la tourmente révolutionnaire. Sur le coup des six heures du matin, trois cents hommes armés investissent les lieux et en gardent toutes les issues. Cassini IV, qui ne loge plus à l’Observatoire depuis mars 1787 du fait des travaux de restauration du vieux bâtiment Perrault, est cherché dans son logement de la rue Maillet (actuellement rue Cassini) par un officier accompagné de six hommes.
Il lui est alors exhibé l’ordre de visiter soigneusement l’Observatoire, où l’on soupçonne qu’on a caché des farines, de la poudre et des fusils. Aucun coin ou recoin de l’édifice n’est laissé de côté. Il ne reste plus que les caves de l’Observatoire, vaste réseau de galeries provenant de vieilles carrières situé à 25 m de profondeur.
Dès l’achèvement de la construction de l’Observatoire, un thermomètre de Mariotte y avait été déposé le 24 septembre 1671, montrant l’invariabilité de la température des souterrains. Le 7 juillet 1783, un autre thermomètre de haute sensibilité dit thermomètre de température des caves, construit par Mossy sous la direction de Lavoisier, avait été placé dans les caves par Cassini ; il marquait 11.42°.
- Thermomètre dit de Lavoisier, placé dans les caves de l’Observatoire.
- Extrait des Œuvres de Lavoisier, tome III.
Cent hommes et des commissaires du district s’y engouffrent à la suite de Cassini les menant à la lueur d’un flambeau. La porte du cabinet abritant le thermomètre de Lavoisier (appellation donnée par Arago au siècle suivant) est enfoncée et, au grand dam de Cassini, une expérience très curieuse sur les mouvements de l’aiguille aimantée menée depuis plusieurs années est culbutée.
Cassini les traîne ainsi jusqu’aux carrières de Montrouge, par des passages inondés presque toute l’année : Avancez, Messieurs, avancez ; vous venez chercher des poudres et des farines sous l’eau, convenez que la cachette ne serait pas mauvaise … !
Finalement, comme seule prise, ils emporteront le boulet qui sert de contrepoids au tournebroche, trouvé dans la cuisine des Cassini ! Il est triomphalement suspendu dans un filet et porté dans Paris par une cohorte citoyenne. Le "boulet de l’Observatoire", la deuxième prise de la Révolution après celle de la Bastille.
Cassini, moqueur, s’écrira : La broche et son boulet, voilà tout mon arsenal !
A la suite de cette visite, Cassini déclara qu’il ne remettrait jamais les pieds dans les souterrains ; il refusa de se charger désormais des clefs.
De cet épisode, il reste encore la porte en bois fracturée et un cruchon possiblement abandonné par l’un des hommes en armes …
Jean Picard
Jean Picard est le 21 juillet 1620 à La Flèche où il fait ses études au Collège Henri IV, et l’on connaît de lui l’observation de l’éclipse de Soleil du 21 août 1645, effectué sous la direction de Gassendi faite à Paris. Puis on le trouve, toujours auprès de Gassendi, observant une éclipse de Lune en 1646 puis une autre en 1647 ainsi qu’une occultation de Jupiter par la Lune.
Dès la création de l’Académie Royale des sciences en 1666, Picard en est membre aux côtés de trois autres astronomes, Auzout, Huygens et Roberval. L’année suivante ces académiciens définissent leur plan de travail avec, entre autres choses, la détermination des dimensions de la Terre. Picard en est chargé et pour ce faire, il met au point trois instruments :
• un quart-de-cercle de 18 pouces de rayon à lunettes, équipées du micromètre élaboré avec Auzout
• un secteur avec limbe de 18° et de 10 pieds de rayon
• un niveau à deux lunettes.
Homme de terrain qui mène ses mesures au cours de déplacements entre lesquels il poursuit les observations à Paris, en 1669 et 1670, Picard en publie les résultats dès 1671 dans son ouvrage Mesure de la Terre. Il a appliqué et généralisé la méthode dite de triangulation étudiée et expérimentée aux Pays-Bas. Parti en 1671 pour le Danemark, Picard met en œuvre la méthode des éclipses des satellites de Jupiter pour raccorder le méridien des observations de Tycho Brahé avec celui de Paris par détermination de longitude, Cassini effectuant à Paris les observations correspondantes.
En 1668, Colbert demande aux académiciens d’établir une carte générale de la France. Une première carte des environs de Paris est réalisée, et permettra de tester les méthodes à employer, sous la direction de Roberval et de Picard. Un ingénieur opère sur le terrain à partir de 1669 ; la carte est achevée en 1674 et publiée en 1678. Entre 1676 et 1681, Picard et La Hire, en plusieurs voyages sur les côtes ouest de la France, Cassini à Paris ou sur les côtes de la Méditerranée, déterminent l’aspect général du Royaume de Louis XIV. Achevée en 1682, Cassini poursuit la mise en place de la triangulation du méridien de l’Observatoire Royal sur laquelle sera fondée, au XVIIIe siècle, la carte générale de France.
A partir de 1674, Picard sera fréquemment à Versailles où se construit le château de Louis XIV, pour des opérations de nivellement ; il s’agit d’alimenter en eaux les fontaines et bassins. Picard est à l’origine de la création de deux étangs artificiels à Bois d’Arcy et à Trappes. Son traité du nivellement paraitra, grâce à la Hire, en 1728.
Cassini I (1625-1712)
Gian Domenico Cassini, né à Perinaldo le 8 juin 1625, est nommé après ses études, en 1650, professeur d’astronomie à Bologne ; il y mène des observations en l’observatoire d’un amateur d’astronomie, le Marquis de Malvasia et établit dans l’église San Petronio une grande méridienne remplaçant celle établie un siècle plus tôt par Danti. Par ses travaux sur le Soleil, les planètes et les satellites de Jupiter, Cassini se fait connaître en Europe. En septembre 1668, sa publication d’éphémérides des éclipses des satellites de Jupiter, envoyée à l’Académie Royale des sciences, retient l’attention des astronomes pour lesquels l’Observatoire Royal a été créé dès 1667.
De l’Université de Bologne à l’Observatoire royal de Paris
Invité alors à venir se joindre à l’Académie et pour diriger les travaux à l’Observatoire, Cassini arrive au printemps 1669, y trouvant notamment Picard et Huygens. Les horloges à pendule dont ce dernier a su régulariser le mouvement, combinés aux éphémérides de Cassini, vont être, principalement grâce à Picard, à l’origine du développement de l’astronomie géodésique en France et de la cartographie.
Tout en collaborant avec Picard, La Hire et Richer, Cassini poursuit des recherches grâce aux objectifs de grande longueur focale qu’il a apportés d’Italie et que, bientôt, il pourra commander à de célèbres opticiens de Rome et aussi de France.
L’anneau et les satellites de Saturne
Les principaux succès de Cassini dans ce domaine concernent le Système de Saturne avec, dès 1671 et 1672, la découverte de deux nouveaux satellites après le premier d’entre eux par Huygens. En 1675, il constate que l’anneau dont la présence avait permis au même Huygens d’expliquer l’aspect étrange de la planète présente deux zones de couleur différente. En 1684, Cassini lui découvre deux nouveaux satellites.
Ces découvertes sont à l’origine du nom donné à l’orbiteur de la mission NASA/ESA lancée en 1997.
Cassini I (pour le différencier de ses trois successeurs) est décédé à Paris le 14 septembre 1712 ; sa pierre tombale se trouve en l’église Saint-Jacques du Haut-Pas. Son nom demeure attaché à une carte de la Lune, publiée en 1679 à partir d’observations menées avec deux graveurs Leclerc et Patigny et que ce dernier a établie sous sa direction. Cette carte est pratiquement demeurée sans égale jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Le Verrier et la création de la météorologie moderne
Le 14 novembre 1854, une violente tempête détruit de nombreux navires français qui assiègent Sébastopol, dont le navire amiral. Choqué par cette catastrophe, Napoléon III demande à Le Verrier s’il ne serait pas possible de prévoir l’arrivée des tempêtes.
Pourquoi Le Verrier ? Parce que depuis toujours la météorologie fait partie des attributions des astronomes.
L’enquête qu’il organise montre que la perturbation responsable de la tempête s’est déplacée en plusieurs jours de l’Atlantique à la Mer Noire, et qu’il aurait effectivement été possible de prévoir son arrivée si on avait pu transmettre rapidement en un seul lieu les informations météorologiques le long de son trajet.
Profitant du développement du télégraphe électrique, Le Verrier va donc créer un service météorologique national puis international : les paramètres météorologiques sont relevés chaque matin dans de nombreuses villes et transmis par télégraphe à l’Observatoire de Paris, qui les collationne pour construire de véritables cartes météorologiques de l’Europe comportant des lignes d’égale pression et l’indication des vents, et faire des prévisions rudimentaires.
Ce service connaîtra un rapide développement et occupera une grande partie des activités de l’Observatoire jusqu’à ce qu’il prenne son autonomie en 1878. C’est l’ancêtre de Météo-France.
La restauration du bâtiment Perrault
A l’origine, une vaste terrasse légèrement en pente recouvrait le bâtiment de l’Observatoire. Elle reposait alors sur les reins des seules voûtes, consolidées par une chape épaisse de ciment. Le tassement des lourdes murailles détériora progressivement la terrasse, créant ainsi des infiltrations d’eau de plus en plus abondantes.
En 1757, Grandjean de Fouchy, secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Sciences, qui habitait l’ancien logement de l’abbé Picard du deuxième étage, fut contraint à déménager. L’année suivante, La Condamine nota que « le mur de 7 pieds d’épaisseur qui paraissait inébranlable, s’était séparé du pavé, et laissait un vide de plus d’une ligne ».
Conserver la forme extérieure du monument
Finalement grâce à l’opiniâtreté de Cassini IV, directeur de L’observatoire, les fonds nécessaires aux réparations furent débloqués et les travaux débutèrent à l’été 1786 avec la destruction totale de la terrasse et des voûtes. La restauration fut l’œuvre de Brébion et Renard.
Cassini IV aurait souhaité faire raser tout ce qui se situait au-dessus du deuxième étage ; cela lui fut refusé, selon l’intention du roi qui souhaitait conserver la forme extérieure du monument. L’Observatoire fut évacué complètement au mois de mars 1787. Cassini en sortit pour aller habiter une maison de la petite rue voisine, la rue Maillet déjà habitée par ses ancêtres, appelée aujourd’hui du nom de Cassini. Les travaux prirent fin en 1791.
Les voûtes furent reconstruites en jetant par-dessus d’autres voûtes en brique supportant de larges dalles de pierre posées à recouvrement les unes des autres avec une certaine pente pour l’écoulement des eaux. Au-dessous des voûtes de brique, un grand espace aéré et de vastes entrevoûtes furent aménagés. La grande salle de la méridienne fut divisée en trois parties dans sa largeur et deux lourds piliers y furent implantés.
Le projet de Cassini d’établir deux instruments sur chacune des tours grâce à la construction des doubles voûtes fut réalisé au siècle suivant par Arago, avec l’érection du grand équatorial de Brunner sur la tour de l’Est, puis par Le Verrier par celle de l’équatorial de Secrétan-Eichens en 1858 sur la tour de l’ouest.
Le Petit Observatoire du Nord
Enfin, sur la partie Nord fut jeté les assises d’un bâtiment que Cassini IV appelle Petit Observatoire du Nord. Il fut achevé plus tard par le Bureau des Longitudes. Le cercle de Reichenbach y fut placé en 1811, puis l’équatorial de 10 cm Gambey en 1826.
Le polarimètre et l’astrophysique
En 1808, le jeune physicien Étienne-Louis Malus (1775-1812) découvre en observant la réflexion du Soleil sur les vitres du palais du Luxembourg une nouvelle propriété de la lumière : la polarisation. La lumière naturelle est constituée de vibrations orientées uniformément autour de sa direction de propagation, mais sous l’effet de la réflexion ou d’autres phénomènes elles acquièrent une orientation privilégiée : c’est la polarisation.
Le polarimètre
Arago devient vite un spécialiste de la polarisation et construit en 1811 un petit instrument qui permet de voir si une lumière est polarisée : le polarimètre. Il observe avec lui la lumière émise par un solide incandescent comme le fer chauffé à blanc, ou par un liquide extrêmement chaud comme le platine en fusion, et constate que dans les deux cas elle est polarisée si on regarde la surface obliquement. Il observe maintenant le Soleil avec son appareil et constate que la lumière émise par les différentes parties du disque solaire, en particulier par ses bords, n’est pas polarisée. Il en déduit que la surface du Soleil n’est ni solide, ni liquide, et ne peut donc être faite que d’un gaz incandescent.
La physique dans l’astronomie
C’est la première fois que l’on peut affirmer quelque chose sur la nature d’un corps céleste en l’observant à distance. Selon les termes d’un de ses successeurs à la tête de l’Observatoire, Félix Tisserand, Arago a ainsi introduit « la physique dans l’astronomie », fondant ainsi une discipline dont le nom n’apparaîtra que bien plus tard : l’astrophysique.
L’abbé La Caille au Cap de Bonne-Espérance, 1751-1752
Nicolas-Louis de La Caille est né en 1713. Il entre à l’Observatoire de Paris en 1736, et le quitte en 1742 pour enseigner les mathématiques au Collège Mazarin, où on lui construit un observatoire. Il y commence un catalogue stellaire, mais il réalise qu’une expédition dans l’hémisphère austral sera nécessaire pour couvrir tout le ciel.
127 nuits pour cartographier le ciel austral
Il obtient les fonds et les autorisations nécessaires, et s’embarque en 1750 pour le Cap de Bonne-Espérance. Il y est très bien reçu par le gouverneur qui lui fait construire un observatoire. En 127 nuits d’observations harassantes, il explore systématiquement tout le ciel austral – le premier relevé systématique jamais entrepris en astronomie. Il catalogue 9 766 étoiles, la plupart nouvelles, ainsi que nombreux objets nébuleux.
Avant La Caille, il y avait de grandes zones dans le Ciel austral où les étoiles n’étaient pas répertoriées. C’est ce qui l’a conduit à définir 14 nouvelles constellations pour les remplir, auxquelles il a donné le nom d’instruments scientifiques ou artistiques.
14 nouvelles constellations
Elles sont toujours en usage aujourd’hui. Ce sont Sculptor, Fornax, Horologium, Reticulum, Caelum, Pictor, Pyxis, Antlia, Octans, Circinius, Norma, Telescopium, Microscopium et Mensa (la dernière faisant référence à la Montagne de la Table qui domine la ville du Cap). Par ailleurs, La Caille a divisé en trois l’immense constellation du Navire, qui devient Puppis, Carina et Vela.
Par des observations simultanées avec celles de Lalande à Berlin, La Caille obtient les meilleures déterminations pour l’époque de la parallaxe (distance) de la Lune, de Mars et du Soleil.
À son retour à Paris, La Caille fait réaliser par son amie Anne-Louise Le Jeuneux un magnifique planisphère du ciel austral, aujourd’hui conservé à l’Observatoire. Il reprend son enseignement et ses observations, mais meurt prématurément en 1762.
Le mètre : mesure républicaine
« Deux poids, deux mesures ! » le symbole même de l’inégalité. Répondant aux vœux exprimés dans les cahiers de doléances de 1789, mais également à ceux des états généraux de 1576, la Révolution autorise en 1790 l’Académie des sciences à uniformiser les poids et mesures. Le nouveau et unique système de mesure doit être source d’égalité, en facilitant les échanges et en assurant l’intégrité des opérations de commerce.
La dix millionième partie du quart du méridien terrestre
Exigence d’égalité, mais aussi d’universalité, clamée dans la célèbre formule de Condorcet : le système métrique doit être « pour tous les hommes, pour tous les temps ». Pour ce faire, le mètre serait éternel parce qu’il serait tiré de la Terre, elle-même éternelle. La loi du 18 germinal an III (7 avril 1795) en fixe la définition : le mètre est la dix millionième partie du quart du méridien terrestre.
Deux membres de l’Académie des sciences sont désignés pour mesurer la longueur d’un arc de méridien particulier, celui traversant la France de part en part, depuis Dunkerque jusque Barcelone, et passant par l’axe médian de l’Observatoire de Paris. Cet arc couvre un peu plus de 8° de latitude. C’est ainsi que Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749-1822) et Pierre François André Méchain (1744-1804) se mettent en route à l’été 1792.
Leur périple durera 7 ans. Commencée avec la prise des Tuileries par les sans-culottes le 10 août 1792 et la naissance de la première République le 21 septembre 1792, l’aventure du mètre trouvera son terme avec le coup d’état de Napoléon Bonaparte le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799). Le mètre est donc bien la « mesure républicaine ».
Une précision de quelques secondes de degré
Plus de 90 triangles sont dressés le long la ligne méridienne, véritable épine dorsale de la France. Ces triangles seront mesurés avec une précision de quelques secondes de degré grâce au nouvel instrument du chevalier de Borda (1733-1799), le cercle répétiteur. Entre temps, un mètre provisoire est décrété le 1er août 1793 à partir de la mesure du méridien par Nicolas Lacaille (1713-1762) en 1740 : sa valeur est fixée dans les anciennes mesures à 443,44 lignes.
Finalement, la valeur définitive et officielle du mètre sera fixée à 443,296 lignes par la loi du 10 décembre 1799 (19 frimaire an VIII). Cependant, ce n’est qu’en 1837, que le gouvernement français imposera le système métrique en le rendant obligatoire dans toute la France et dans ses colonies à partir du 1er janvier 1840.
La diffusion de signaux horaires par TSF
Le futur commandant Gustave Ferrié (1869-1932) est un des précurseurs dans l’utilisation de cette nouvelle technique : en décembre 1903, il obtient l’installation d’une station radiotélégraphique militaire à la Tour Eiffel comprenant le laboratoire souterrain du Champs de Mars et une antenne au sommet de la tour. Les premiers essais de liaison TSF de portée supérieure à 400 km sont couronnés de succès.
À la même époque, Guillaume Bigourdan (1851-1932), astronome à l’Observatoire de Paris, expérimente la transmission de signaux horaires à l’aide de cette nouvelle technique ; lors de la séance du 27 juin 1904 de l’Académie des sciences, avec des essais, sur une distance de 2 km, ses projets sont présentés puis publiées dans les comptes rendus.
Détermination des longitudes
Le 13 mai 1908, à la suite des nombreuses expériences réussies de transmission de l’heure par TSF, en France et à l’étranger, le Bureau des Longitudes émet le vœu qu’un service journalier d’émission de signaux horaires depuis la Tour Eiffel soit mis en place en vue de servir à la détermination des longitudes. L’organisation de ce service est confiée conjointement à l’Observatoire de Paris, dirigé depuis 1908 par Benjamin Baillaud (1848-1934), et au service radiotélégraphique militaire de la Tour Eiffel sous le commandement de Ferrié.
À partir du 23 mai 1910, le service fonctionne régulièrement : tous les jours, à minuit, un signal horaire commandé par l’Observatoire est envoyé ; à partir du 21 novembre, un deuxième signal horaire est envoyé, chaque jour ouvrable, à 11h.
Cette émission de signaux horaires est accompagnée d’un travail d’étude de la qualité des garde-temps, des transmetteurs et récepteurs des signaux, des anomalies de la propagation des ondes.
Les observations astronomiques de détermination de l’heure se multiplient ; des horloges de plus en plus modernes sont installées à l’Observatoire.
Un signal horaire tous les jours, à minuit
Assez vite, les navigateurs, grands utilisateurs de signaux horaires d’origine différente pour leur détermination du point en mer, notent des désaccords d’une à deux secondes. C’est une des raisons qui justifia la création d’un organisme central d’unification de l’heure.
La première horloge parlante
Fin 1929 à l’Observatoire de Paris, son directeur Ernest Esclangon (1876-1954) est confronté à la demande croissante du public de disposer de l’heure « exacte » : l’unique ligne téléphonique de l’établissement est trop souvent saturée. Il envisage alors une réponse entièrement automatique : une horloge parlante.
La technique d’enregistrement photographique de la voix avec transmission optique par une cellule photo-électrique (méthode utilisée dans le cinéma qui devient alors parlant) est retenue, plus fiable dans la durée que les disques phonographiques.
Une horloge et une machine parlante
L’horloge parlante comprend ainsi deux éléments essentiels : une horloge de précision qui fournit les secondes (tops « secs ») et la « machine parlante » pilotée par l’horloge.
La machine parlante se compose d’un tambour tournant synchronisé par une horloge fondamentale ; sur ce tambour sont collées les bandes de papier photographique portant les enregistrements du son, dont le « au 4ème top il sera exactement ». La lecture de trois cellules électriques fournit un courant électrique qui est transformé par le téléphone en un son.
Les tops sont fournis par une horloge de précision installée dans les caves de l’Observatoire (température et pression constantes, à l’abri de toute vibration). En 1933, l’horloge fondamentale était encore un pendule à balancier.
Au 4ème top il sera exactement…
L’énoncé de l’heure était dit par un célèbre speaker du Poste Parisien, Marcel Laporte dit Radiolo. Le 14 février 1933, le jour de l’inauguration de la première horloge parlante au monde, 140 000 appels téléphoniques sont passés à ODEON 8400, dont seulement 20 000 satisfaits, malgré les 20 lignes téléphoniques affectées à ce service : le succès était au rendez-vous.
En 1991 et après deux autres modèles perfectionnés, une toute nouvelle horloge parlante est mise en service, entièrement électronique ; les messages enregistrés sont stockés dans la mémoire d’un ordinateur. Deux voix sont entendues au 3699, alternativement masculine et féminine. Cette technologie permet la diffusion d’une information plus riche en y ajoutant la date (jour, quantième, mois, année).
Hipparcos, premier satellite astrométrique
En 1965, soit seulement 7 ans après le lancement du premier Spoutnik, Pierre Lacroute, alors directeur de l’Observatoire de Strasbourg, proposait, avec Pierre Bacchus, d’utiliser un satellite pour faire des mesures astrométriques beaucoup plus précises qu’au sol. En effet, aller dans l’espace permet d’échapper aux effets de l’atmosphère, aux flexions des télescopes dues à la pesanteur terrestre et aux irrégularités du mouvement de la Terre.
Une révolution pour l’astrométrie
L’importance du projet et de ses applications n’échappe pas au CNES (Centre national d’études spatiales) auquel P. Lacroute fait une proposition détaillée qui contient déjà les principes de base du futur Hipparcos : « Ce projet, s’il est mené à son terme, serait une révolution pour l’astrométrie. Pratiquement tous les domaines de l’astronomie seraient concernés ». Hipparcos est sélectionné par l’ESA (l’Agence Spatiale Européenne) en 1980 après une prospective scientifique approfondie et des pré-études techniques.
Le satellite est lancé le 8 août 1989 et, malgré une orbite défectueuse, il observera les 118 000 étoiles de son programme jusqu’en mars 1993. Ce projet complètement novateur a permis à l’Europe de s’affirmer comme pionnière dans le domaine de l’astrométrie spatiale.
L’astrométrie de précision au service de l’astrophysique
Avec Hipparcos, l’astrométrie est devenue un outil majeur pour l’astrophysique : la précision de ses mesures de distances et de mouvements sur le ciel a permis une étude détaillée des étoiles du voisinage solaire et entraîné de très nombreuses études, tant sur la physique des étoiles que sur celle de notre galaxie. On peut citer la détermination des luminosités et des âges d’une grande variété d’étoiles ; une bien meilleure compréhension de la physique de l’intérieur des étoiles et de leur évolution au cours du temps ; l’étude détaillée des mouvements au voisinage du Soleil, mais aussi dans toute notre Galaxie, la Voie lactée, montrant la distribution de la matière sombre, la rotation des bras spiraux ou des traces de collisions anciennes.
Ce succès d’Hipparcos a conduit les scientifiques à proposer, dès 1992, une mission encore bien plus ambitieuse : Gaia. Gaia a été lancé le 19 décembre 2013 et observe un milliard d’objets célestes avec une précision près de 100 fois supérieure à celle d’Hipparcos ; résultats définitifs en 2022 !
Fresnel à l’Observatoire
En septembre 1815, François Arago reçoit à l’Observatoire une lettre d’un inconnu qui contient la phrase suivante :
Je crois avoir trouvé l’explication et la loi des franges colorées qu’on remarque dans les ombres des corps éclairés par un point lumineux. Les résultats que me donne le calcul sont confirmés par l’observation. [Mais pour confirmer ces observations] il me faudrait des instruments que je ne puis me procurer qu’à Paris. Afin de faire cette dépense, je désirerais savoir si elle n’est pas inutile, et si l’on n’a point déjà déterminé la loi de la diffraction par des expériences suffisamment exactes.
- Augustin Jean Fresnel : gravure et dessin d’Ambroise Tardieu d’après nature (1825)
- Observatoire de Paris
L’inconnu s’appelle Augustin Fresnel. C’est un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées qui, s’étant déclaré hostile à Napoléon après son retour de l’Île d’Elbe, est assigné à résidence dans un petit village près de Caen. Il y a le loisir de travailler à ce qui l’intéresse avant tout : l’optique physique, et il parvient à expliquer divers phénomènes optiques par la théorie ondulatoire de la lumière qu’il est en train d’élaborer.
Loi des franges colorées
Un mois après, Fresnel envoie à l’Académie des sciences un mémoire où il expose cette théorie. Arago, qui est désigné comme rapporteur, est très impressionné. Après l’abdication de Napoléon, Fresnel se trouve libéré et Arago écrit à son supérieur, François Marie Riche de Prony (1755-1839), pour lui demander de le laisser venir travailler avec lui à l’Observatoire. Demande accordée, car Prony ne peut rien refuser à Arago qui est célèbre par ses travaux d’optique.
Théorie ondulatoire
Fresnel s’installe donc à Paris, et commence avec Arago une collaboration très fructueuse. Fresnel est à la fois un théoricien très imaginatif, et un expérimentateur habile. Arago est moins théoricien, mais son habileté expérimentale est considérable. C’est alors que Fresnel va construire son œuvre. Arago y a participé, mais en a laissé généreusement toute la gloire à son jeune collègue.
Arago, Fresnel et les phares
Les phares sont connus depuis l’Antiquité. Jusqu’au XVIIIe siècle on fait un feu en haut de la tour, mais c’était assez aléatoire et très coûteux. Les premières optiques de phare apparaissent vers 1770 ; elles comportent uniquement des miroirs argentés qui se ternissent rapidement, et sont peu efficaces.
La Commission des phares
En 1811, une Commission des phares est créée pour améliorer la situation, mais elle ne fait pas grand-chose jusqu’à ce qu’Arago en soit nommé président en 1819. Il prend alors Fresnel comme secrétaire. Arago écrit :
Ce savant célèbre imagina d’abord d’appliquer de grandes lentilles à l’éclairage de nos côtes ; de les construire par petits fragments.... Tout cela fut aussitôt exécuté que conçu : des expériences nombreuses et délicates amenèrent aussi à la construction d’une lampe à plusieurs mèches concentriques, dont l’éclat égalait plus de vingt fois celui des meilleures lampes ordinaires…. C’est en combinant les lentilles de Fresnel avec la lampe multiple, qu’on a obtenu d’aussi étonnants résultats.
Une des premières lentilles à échelons de Fresnel est conservée à l’Observatoire, où Fresnel et Arago ont inventé ensemble la lampe à huile à mèches concentriques. Ces éléments sont vite construits et perfectionnés par des industriels, et Fresnel, devenu vers 1824 le véritable chef de la Commission des phares, présente alors un ambitieux programme comportant 58 phares sur les côtes de France.
Lampes multiples et lentilles à échelons
Le succès de ses optiques est tel qu’en 1850 l’ensemble du programme sera réalisé. Elles se répandent également à l’étranger. Grâce à elles, le nombre de naufrages diminue de façon impressionnante, passant en France de 163 par an vers 1820 à 39 par an dix ans plus tard.
A l’origine de l’Observatoire royal
Après le passage de la grande comète de 1664, Auzout (1622-1691) suggère à Louis XIV, dans une épitre de 1665 placée en préface de sa description de ladite comète, la création d’un grand observatoire : « Il y va SIRE, de la Gloire de Vostre Majesté, & de la réputation de la France, & c’est ce qui nous fait espérer qu’elle ordonnera quelque lieu pour faire à l’avenir toutes sortes d’Observations Célestes, & qu’elle le fera garnir de tous les instrumens nécessaires pour cet effet […] et c’est peut-être la cause pour laquelle il n’y a pas un Royaume dans l’Europe dont les cartes géographiques soient si fautives, et où la situation des lieux soit si incertaine ».
Il y va SIRE
Colbert, véritable protecteur des sciences, des lettres et des arts (nommé en 1664 surintendant des bâtiments et manufactures, et en 1665 contrôleur général des finances), conçoit alors le projet d’un édifice qui regrouperait dans le même lieu tout ce qui concerne les sciences : il souhaite doter les membres de la nouvelle compagnie de savants créé en 1666 et baptisée peu de temps après Académie royale des sciences, d’un observatoire pouvant accueillir leurs séances en « surpassant en grandeur, en beauté et en commodité les observatoires d’Angleterre, de Danemark et de la Chine ».
Surpassant en grandeur, en beauté et en commodité
- Visite de Louis XIV à l’Académie des sciences : en arrière-plan, l’Observatoire royal en construction - Gravure de Cl. Duflos, d’après Sébastien Leclerc, vers 1730
- Observatoire de Paris
Malgré son implication dans ces projets d’Académie et d’Observatoire – il sera un des treize premiers académiciens et il aurait transmis des plans à l’architecte Claude Perrault – et son travail avec Jean Picard à l’amélioration du quart-de-cercle, Adrien Auzout demeure relativement peu connu. Il démissionnera de l’Académie des sciences et quittera la France pour l’Italie à la fin 1668.
Une des plus belles traces qu’Auzout nous a laissée est finalement la dédicace que le grand Cassini en personne lui a faite en 1668 pour son ouvrage Ephemerides Bononienses mediceorum siderum : « Carissimo Doctissimoque D.(Domino) A. Auzotio exterranea haec rudimenta mittit auctor. » (L’auteur offre au très cher et grand savant Monsieur A. Azout ces rudiments célestes). L’ouvrage portant la dédicace est conservé à la Bibliothèque de l’Observatoire de Paris.