Avec sa collection d’instruments sensibles à des rayonnements froids auxquels la matière interstellaire est transparente, Herschel le plus grand télescope jamais lancé dans l’espace a pu percer une partie du voile obscur de matière qui jalonne les bras de la spirale de la Galaxie et dissimule son centre au regard usuel des instruments scientifiques. Les caméras et spectromètres embarqués à bord réalisent des images des émissions de la poussière. Ils analysent en détail le rayonnement infrarouge lointain reçu.
Des trous noirs supermassifs semblent occuper le cœur de la plupart des galaxies et participent à leur évolution. Celui de la Voie lactée, Sagittarius A*, représente un cas passionnant car il se trouve des centaines de fois plus près que celui des galaxies actives proches dont le noyau est scruté en détail. Il se tient au sein d’un amas de jeunes étoiles massives et chaudes entouré de grains de poussière chauffés par la lumière ultraviolette intense.
Situé à 26 000 années-lumière de la Terre, derrière des nuées opaques de poussière, la région centrale de notre galaxie, la Voie lactée, abrite donc un épais mystère qui intrigue les astronomes depuis des années. Ces derniers temps, une équipe franco-allemande qui inclut des chercheurs du Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA [2] de l’Observatoire de Paris y avait déjà décelé en infrarouge proche, avec l’optique adaptative du Very Large Telescope au Chili, le mouvement d’étoiles influencées par la force de gravitation d’un objet massif mais invisible : très vraisemblablement un trou noir massif.
Diversité et chaleur
Les dernières observations réalisées par le télescope spatial Herschel à l’initiative d’une équipe incluant des chercheurs du LERMA, à l’Observatoire de Paris, apportent un nouvel éclairage dans un domaine de rayonnement peu énergétique et encore assez mal exploré. Le résultat révèle que des courants de gaz ionisé tombent sur le trou noir ou lui tournent autour. Une grande variété de molécules simples (monoxyde de carbone CO, vapeur d’eau H2O, cyanure d’hydrogène HCN ainsi que OH, OH+, H2O+, H3O+, CH+, HF, CH et NH) ont été détectées. L’analyse détaillée de l’émission du monoxyde de carbone indique qu’une partie du gaz moléculaire est très chaud et pourrait atteindre la température de 700 °C (1000 K), une valeur surprenante sachant que les nuages interstellaires usuels sont au contraire extrêmement froids, entre -260 et – 220 °C. L’explication proposée fait appel à de vigoureux mécanismes de chauffage. Ils mettent à contribution le rayonnement ultraviolet intense, des chocs à haute vitesse entre nuages qui entrent en collisions violentes, et les vents stellaires puissants des étoiles massives de l’amas d’étoiles.
Herschel et les équipes scientifiques associées, dont Maryvonne Gérin, directrice de recherche CNRS, Massimo de Luca, chercheur post-doctoral, et Pierre Encrenaz, professeur de l’Université Pierre et Marie Curie et membre de l’Académie des sciences, au Laboratoire d’Etudes du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique LERMA, de l’Observatoire de Paris, apportent une nouvelle pierre à la compréhension de la dynamique complexe des phénomènes qui prennent naissance autour des noyaux de galaxies et alimentent leur activité.
[1] Le Laboratoire d’Étude du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique LERMA est un département scientifique de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université de Cergy-Pontoise, à l’Université Pierre et Marie Curie, et l’Ecole Normale Supérieure.
[2] Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA est un département scientifique de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université Pierre et Marie Curie, à l’Université Paris Diderot.
Dernière modification le 21 décembre 2021