Située à 4,2 années lumière, α Centauri est l’une des étoiles les plus proches de nous. α Centauri est en réalité une étoile triple : ses deux composantes les plus massives, A et B, ont des masses et une luminosité similaires à celles du Soleil, et la troisième (la composante C) n’est autre que Proxima Centauri, l’étoile la plus proche de la Terre. Pour ces raisons, elle est considérée comme une cible idéale pour chercher des exoplanètes qui pourraient se trouver dans sa zone habitable. Par « zone habitable », on entend la région autour de l’étoile où l’eau pourrait se trouver à l’état liquide à la surface d’une planète qui serait rocheuse et aurait des propriétés similaires à la Terre.
Le projet NEAR
Pour les composantes A et B du système d’α Centauri, la technique d’observation par vitesse radiale n’a pas permis de détecter de planète. Elle a cependant permis d’établir des limites supérieures à leurs masses : au plus 50 fois celle de la Terre dans la zone habitable de la composante A, et 8 fois celle de la Terre dans la zone habitable de la composante B. Le projet NEAR (acronyme pour New Earths in the Alpha Centauri Region), dans le cadre du programme « Breakthrough Watch », visait à obtenir des observations profondes de l’environnement de ces deux étoiles, à la recherche de planètes analogues à la Terre.
Perfectionnement de l’instrument VISIR du VLT
Une équipe de chercheurs internationale s’est pour cela attelée à améliorer l’instrument VISIR du Very Large Telescope (VLT) en l’équipant d’un système coronographique de façon à atténuer la lumière stellaire, et permettre de faire l’image de l’environnement très proche des étoiles où peuvent se trouver de potentielles planètes, autrement noyées dans l’éclat des étoiles. L’instrument a ensuite été installé sur le télescope UT4 du VLT pour bénéficier de son système d’optique adaptative qui corrige la turbulence atmosphérique, une étape essentielle pour améliorer la qualité des images et accroître la sensibilité aux objets les plus faibles.
VISIR observe dans la gamme spectrale de l’infrarouge moyen (10-12 microns, comparable aux caméras thermiques), où les planètes, plus froides que leur étoile, sont plus brillantes car elles émettent de la lumière proportionnellement à leur température de surface.
Deux chercheurs de l’Observatoire de Paris - PSL au Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA) ont contribué à cette étude, en particulier concernant la mise au point du système de pointage de l’étoile sur le coronographe, permettant de s’assurer que la lumière stellaire soit atténuée au maximum pendant les observations.
Mise en évidence d’une source
Des images ont été cumulées sur un total de 100 heures de pose entre mai et juin 2019. Grâce à une phase de traitement avancé des données, consistant à soustraire les résidus de lumière stellaire, ainsi que différents artefacts instrumentaux, les chercheurs ont mis en évidence une source (notée C1 dans l’image) qui pourrait correspondre à une planète de la taille de Neptune à Saturne.
Cependant, étant donné le niveau de résolution angulaire atteint, il n’est pour l’instant pas possible d’exclure qu’il s’agisse d’un nuage de poussière en orbite autour de l’étoile , résidus de la formation des systèmes planétaires, ou bien même d’un artefact instrumental.
De nouvelles observations seront nécessaires pour confirmer ces premiers résultats très prometteurs. Ils démontrent en effet qu’un télescope de plus grand diamètre, comme le futur Extremely Large Telescope Européen de 39 mètres de diamètre en cours de construction au Chili par l’ESO (European Southern Observatory) pourra fournir la résolution et la sensibilité requises pour imager une planète analogue à la Terre autour d’α Centauri.
Lien vers la publication dans Nature Communications
Dernière modification le 21 décembre 2021