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Les astrométristes en trouvent vite l’origine : il s’agit d’une comète en orbite autour de Jupiter qui a été disloquée lors de son précédent passage à proximité de la planète, en juillet 1992 ; selon les prévisions, les fragments seront happés par le champ de gravité de la planète au prochain passage à proximité de Jupiter. On peut donc s’attendre à une série d’impacts successifs qui se produiront entre le 16 et le 22 juillet 1994. Les impacts auront lieu sur le 44e parallèle de l’hémisphère sud, et, compte tenu de la vitesse de rotation de la planète sur elle-même, se répartiront à diverses longitudes.
Mobilisation planétaire
Dès lors, les astronomes se mobilisent. Un tel événement n’est pas courant ; ils y voient l’occasion d’observer en temps réel – et sans danger ! – les conséquences d’un impact météoritique majeur dans une atmosphère planétaire.
Les observations se préparent, utilisant caméras et spectromètres dans tous les domaines de longueur d’onde, depuis l’ultraviolet jusqu’aux ondes radio. Les moyens spatiaux sont aussi sollicités, à commencer par le télescope Hubble et la sonde Galileo, alors en croisière vers Jupiter. Ces observations spatiales depuis Galileo sont précieuses, car elles permettent, compte tenu de leur angle de vue différent de celui de la Terre, d’observer les premières phases du phénomène, alors que les observations depuis la Terre ne commenceront qu’un quart d’heure après la chute de l’impact, celui-ci se produisant au-delà du bord visible de la planète.
Une grande incertitude règne dans les observatoires à la veille du premier impact. Celui-ci sera-t-il détectable ?
La réponse est oui. La chute du premier impact produit une boule de feu dont la température excède 20 000 degrés, et la matière est éjectée jusqu’à une altitude de 3 000 km, comme l’observent les images du télescope Hubble.
Une quinzaine de minutes plus tard, la chute des débris forme une large tache entourant le site d’impact ; ces traces seront visibles pendant des semaines.
De nouvelles molécules sont formées à haute pression et haute température (H2O, HCN, CO, OCS…) ; certaines d’entre elles subsisteront pendant des mois, voire des années.
Le même scénario se reproduira pour les fragments suivants, avec plus ou moins d’amplitude selon la taille de chaque objet.
Une chance d’avoir vécu ce grand moment
À l’Observatoire de Paris, beaucoup d’entre nous ont été impliqués, particulièrement dans les mesures de spectroscopie infrarouge et millimétrique. À partir de l’ensemble des données, on a pu établir que la comète Shoemaker-Levy 9, avant d’être fracturée, avait une taille d’environ 1 km de diamètre.
Un évènement, tel que la chute de la comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter, est très rare à l’échelle d’une vie humaine, mais il est loin d’être unique dans l’histoire du Système solaire. Le 19 juillet 2009, un bolide de plus petite taille a percuté la planète Jupiter et y a laissé quelques traces ; il s’agissait probablement d’un astéroïde. D’autres phénomènes similaires, de moindre amplitude, ont été observés par la suite. Ils font l’objet d’une surveillance régulière de la part de groupes d’astronomes amateurs et professionnels.
En remontant dans les archives, on a retrouvé une communication du premier directeur de l’Observatoire de Paris, Jean-Dominique Cassini (1625-1712), dans Le Journal des Sçavans décrivant de nouvelles taches apparues sur le disque de Jupiter en décembre 1690 ; il avait pu suivre l’évolution de ces structures pendant plus de deux mois.
Au-delà de l’attrait représenté par la puissance des forces cosmiques alors en jeu, assister à ce type de phénomène s’avère toujours riche d’enseignements sur l’importance des collisions dans l’histoire du Système solaire. >>
Dernière modification le 5 août 2024