En novembre 2019, la baisse anormale de luminosité de Bételgeuse dans le ciel avait fortement intrigué la communauté internationale, avec l’hypothèse de sa prochaine disparition. Mais si cette phase ultime ne semble pas encore atteinte, elle se précède de phénomènes éruptifs exceptionnels.
✔ Caractéristiques de l’étoile Bételgeuse Bételgeuse est l’une des étoiles les plus brillantes de la constellation d’Orion (le chasseur) rayonnant comme plus de 100 000 soleils réunis. C’est une supergéante rouge et l’une des plus grosses étoiles connues, avec un rayon mille fois plus grand que celui du Soleil ; elle pourrait contenir un milliard de fois notre étoile. La supergéante est si énorme que, si elle remplaçait le Soleil au centre de notre Système solaire, sa surface extérieure s’étendrait au-delà de l’orbite de Jupiter. De telles propriétés impliquent une fin "imminente" pour ce mastodonte stellaire. Âgée de seulement quelques millions d’années, Bételgeuse approche déjà la fin de sa vie, avec un destin tout tracé : une explosion en supernova qui la rendra aussi lumineuse que toute notre Galaxie. |
À l’aide du télescope spatial Hubble et d’autres instruments au sol, les scientifiques d’une équipe internationale ont reconstitué le scénario après et pendant l’éruption qui a secoué l’étoile, fin 2019.
Une convulsion titanesque
Selon les scientifiques, l’étoile a éjecté dans l’espace une importante quantité de matière. À partir de cette éruption, un immense nuage de gaz s’est partiellement transformé en poussières en se refroidissant, conduisant à l’occultation de l’étoile.
L’étoile se remet lentement de cette convulsion ; sa photosphère se rétablit progressivement. Toutefois, son cycle de pulsation habituel est perturbé : son intérieur résonne désormais comme une "cloche légèrement désaccordée". Cela ne veut pas forcément dire que l’étoile supergéante va bientôt exploser, mais elle pourrait continuer à surprendre les astronomes.
Les observations fournissent en tout cas des indices sur la façon dont les étoiles supergéantes rouges perdent leur masse en fin de vie, alors que leur réservoir à fusion nucléaire s’épuise, avant d’exploser en supernovæ. L’ampleur de la perte de masse au cours de la phase de supergéante rouge influe considérablement sur leur destin : dans le cas de Bételgeuse, elle va déterminer si l’étoile finira sa vie en trou noir ou en étoile à neutrons. La réponse nous sera dévoilée au plus tard d’ici environ 100 000 ans !
Pour ces travaux, plusieurs types de données observationnelles ont été exploitées :
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Retour sur les faits
L’éruption titanesque de 2019 a probablement été causée par un panache convectif, de plus d’un million de kilomètres de diamètre, qui a bouillonné depuis les profondeurs de l’étoile. Il a produit des chocs et des pulsations qui ont éjecté un morceau de photosphère, laissant l’étoile avec une grande surface froide à l’emplacement de l’éruption. Bételgeuse est en train de se remettre de cette blessure.
Équivalent à un dix-millionième de la masse de Bételgeuse, le morceau de photosphère détaché s’est échappé vers l’espace et s’est refroidi pour former un nuage de poussière qui a occulté l’étoile à la vue des observateurs terrestres. La perte d’éclat, qui a commencé fin 2019 et duré quelques mois, était très facilement visible à l’œil nu.
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Lire aussi l’information
sur le site Hubble de la NASA [en anglais] :
Hubble Sees Red Supergiant Star Betelgeuse Slowly Recovering After Blowing Its Top
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Autre fait marquant : depuis près de 200 ans, les astronomes mesurent le rythme des pulsations de Bételgeuse à l’aide des variations de sa luminosité et de ses mouvements de surface. Or, ces pulsations se sont accélérées et sont pour l’instant plus rapides que les 400 jours habituels. Cette perturbation témoigne de la violence de l’éruption.
Selon les chercheurs, les cellules de convection intérieures de l’étoile, qui sont à l’origine de sa pulsation standard, pourraient s’agiter comme les vibrations d’une cuve de machine à laver déséquilibrée. Les spectres TRES et Hubble indiquent que les couches extérieures sont peut-être revenues à leur extension normale, mais que la surface rebondit toujours à la manière d’un dessert à la gélatine dans une assiette, ce qui donne à penser que la photosphère se reconstruit.
Conclusion
Témoins directs de cet événement inédit, les astronomes ont déduit que l’étoile avait en 2019 éjecté un énorme morceau de sa surface visible. Un phénomène d’une telle intensité n’avait jusqu’alors jamais été suivi sur une étoile de ce type. Notre Soleil subit régulièrement des éjections de masse de son atmosphère extérieure, la couronne. Mais ces événements sont sans commune mesure avec ce qui a été observé sur Bételgeuse.
Par conséquent, les éjections de masse surfaciques des supergéantes rouges et les éjections de masse coronale solaires constituent des événements différents.
Le télescope spatial Webb de la NASA et l’ELT de l’ESO pourraient être en mesure de détecter en infrarouge le déplacement des matériaux éjectés par l’étoile.
Référence
Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé "The Great Dimming of Betelgeuse : a Surface Mass Ejection (SME) and its Consequences" par Andrea K. Dupree,et.al. paru dans la revue « The Astrophysical Journal ».
DOI : https://doi.org/10.48550/arXiv.2208.01676
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Dernière modification le 9 septembre 2022